ART DE LECRITURE
EN ISLAM, est également caractérisé
par une autre spécificité: le symbolisme des
lettres. Lagencement des lettres y a en effet, a une
haute signification: il sagit dexprimer en termes
intelligibles la réalité cachée de
la parole dAllah. Cette alchimie des lettres, en arabe
Jafr, symbolise le désir dexpression
dune géométrie de lâme.
Véritable science cabalistique, le Jafr repose
sur la combinaison de chacune des 28 lettres de lalphabet
arabe avec les 10 chiffres. Il faut dailleurs rappeler
que les susdites 28 lettres, daprès lordre
du vieil alphabet sémitique, peuvent être mises
en lien avec les 28 positions de la lune.
Cest ainsi que ces 28 lettres sont divisées
en 4 groupes de 7 lettres, groupes représentant les
4 éléments fondamentaux de lunivers,
lair (Ba ),
la terre (Dal ),
le feu (Alef )
et leau (Jim ).
On invoque les lettres de feu pour soigner les malades qui
souffrent du froid, pour augmenter le pouvoir de la chaleur
ou encore pour affermir la puissance du guerrier. On invoque
les lettres de leau pour soigner les fièvres
et augmenter les pouvoirs du froid.
Par ailleurs, chaque lettre a une valeur numérique
(Abjad Hawaz) et les agencer afin dobtenir
une certaine date est très commun. Ces équivalents
numériques sont:
- de 1 à 9 de lAlef au Ta,
- de 10 à 90 du Ya au Sad,
- de 100 à 900 du Qaf au Za,
- et 1000 pour le Ghain.
À partir de ces chiffres, on peut établir
des correspondances entre les différentes lettres
de lalphabet. Cest ainsi que le Ba (2),
le Kha (20) et le Ra (200) recouvrent des
manières différentes dexprimer le chiffre
2. Toutefois, comme le notait fort pertinement Ibn Kaldoun,
la réelle signification des relations existant entre
les lettres et les humeurs des hommes et les lettres et
les chiffres est difficile à appréhender.
Par ailleurs, les lettres elles-même forment une part
importante du langage symbolique de la prose et de la poésie
religieuse et profane. Alef (),
la première lettre, une ligne droite, dont la valeur
numérique est 1, est le chiffre de la grâce
fine du bien-aimé mais aussi en même temps
le symbole dAllah, le dieu unique, lunité
absolue. Les poètes ont souvent proclamé quils
navaient appris quune lettre, le Alef.
Elle est en effet plus importante que tout lalphabet
réuni: connaître lunicité et lunité
dAllah prime sur la connaissance des choses visibles
de ce monde. De plus, Le Alef, première lettre
de lalphabet, se retrouve dans toutes les autres lettres.
Ainsi, le Hha ()
nest autre quun Alef courbé et
le Mim ()
un Alef circulaire.
Le Ba (),
la deuxième lettre de lalphabet, qui est aussi
la première lettre du Bismillah qui forme le début
du Coran, est considéré comme la première
manifestation de la sagesse divine, la porte dentrée
dans le monde de lAbsolu. Dans son point sont contenus
tous les mystères de la création. Cest
que par la vertu de la médiation du Ba, qui
suggère le Alef et en même temps diffère
de lui par la ligature qui le joint aux autres lettres,
il est possible de voir le Alef dans les autres lettres,
révélant la divinité latente de lhomme.
Les relations entre le Alef et le Ba sont
à lorigine de spéculations ésotériques
de portée philosophique. Cest ainsi que pour
les mystiques soufis, le Alef a été
créé spontanément, de par sa volonté
propre, alors que le Ba a été obligé
dexister. La conclusion en découle est que
la liberté nest pas incompatible avec lobligation...
Toujours dans cette tradition soufie, il est possible de
mentionner un des enseignements du Persan Sanai: la
première et la dernière lettre du Coran sont
b et s (= bas, qui signifie en arabe
assez); cela signifie que le Coran est suffisant
comme guide sur ton chemin.
Dautres lettres, comme le dad (),
le jim (),
le lam ()
ou le qaf ()
ont été comparés aux boucles ou les
tresses du bien-aimé, le nun ()
à une boucle, le sin ()
à ses dents, le sad ()
ou le ain ()
à ses yeux en amandes. Le lam-alef (),
essentiellement une ligature, a souvent symbolisé
lunion. Enfin, le Mim (),
un petit anneau, dont la valeur numérique est 40,
est labbréviation de Mahommet, le récipiendaire
de la parole divine.
Comme pour montrer limportance symbolique des lettres
arabes, il faut pour conclure soulever la question des Futuhat,
ces lettres isolés qui introduisent souvent les sourates
coraniques. Ces lettres, dont la signification ne nous est
pas connue, ont donné lieu à de nombreuses
spéculations . Quoiquil en soit, échappant
à la compréhension humaine, ces lettres sont
souvent perçues comme une sorte de signe dAllah,
une intuition divine.
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