La révolution alphabétique
La véritable révolution que représente
la création dun alphabet en Canaan et en Phénicie,
tient à ce que désormais les signes renvoient
à des sons émis par la voix humaine dans un
langage donné. Il ne sagit plus de désignations
conventionnelles, mais un travail phonétique progressif,
scientifiquement établi, qui représente un
effort dabstraction remarquable. Laction de
marcher, nétait ainsi plus exprimée
par limage ou la valeur symbolique de la marche, mais
par lécriture des lettres, qui une fois lues,
donnaient le mot «marcher».
Comme précisé, lalphabet phénicien
ne comporte que des consonnes. Cest aux Grecs que
lon doit lintroduction dans lalphabet
des voyelles, lettres qui existaient pourtant dans la langue
phénicienne. Mais dans la langue phénicienne,
comme dans toutes les langues sémitiques, cette absence
nétait pas rédhibitoire dans la mesure
où les syllabes ne connaissaient pas de diphtongues.
Surtout, les racines des mots avaient pour caractéristique
de ne se composer que de consonnes. Ainsi la racine trilitère
spr était utilisée pour décliner
le concept décrire ou de conter. Selon la vocalisation,
on savait si on devait lire écrivain, écrire,
écrit, etc. Ainsi et plus généralement,
tout Sémite qui entend prononcer un mot le décompose,
par une gymnastique mentale instantanée, en une racine
consonnantique et en une flexion vocalique. Considérée
du point de vue sémitique, lécriture
phénicienne napparait donc pas si imparfaite.
Avec son consonnatisme intégral, elle dégageait
admirablement le squelette consonnantique du mot, les traits
et points de séparation aidant encore à isoler
chaque racine.
Le déchiffrement des écritures phéniciennes
Le déchiffrement dune écriture alphabétique
est toujours délicate. Alors quil est relativement
aisé de découvrir le sens dune écriture
idéographique, il nen est rien pour lécriture
alphabétique dans la mesure où on ignore la
langue quil recouvre.
Cest à labbé Barthélémy,
français de son état, que lon doit le
premier déchiffrement correct dune inscription
phénicienne; il sagissait dune petite
inscription bilingue grecque et phénicienne provenant
de Malte, dont le moulage, offert à Louis XVI qui
le plaça à la Bibliothèque Mazarine,
est actuellement conservée au musée du Louvre.
Le déchiffrement de lalphabet ugaritique a
été un travail collectif qui remonte à
la fin des années 1920. Tout commence avec la découverte
au nord de Lattaquié en Syrie des ruines de la cité
phéncienne dUgarit sur le site de Ras Shamra.
Les découvertes qui vont y furent faites bouleversèrent
profondément lhistoire de la civilisation phénicienne
et plus encore lhistoire de lécriture.
La mission archéologique Schæffer et Chenet
(1929) mit à jour une importante nécropole,
découvrant de nombreuses tablettes couvertes de caractères
cunéiformes dun type jusqualors inconnu.
Le nombre réduit de signe semblait laisser penser
que cette écriture était de type alphabétique.
En 1930, le savant allemand Hans Bauer réussit à
établire la valeur phonétique dune quinzaine
de lettres. La même année, quelques mois plus
tard, le français E.Dhorme complétait létude
de Bauer, soulignait le caractère sémitique
de la langue ougaritique et en 1931 publiait une première
traduction des tablettes découvertes à Ras
Shamra. Parallèlement, lautre français
Virolleaud complétait le travail de Dhorme. Ainsi,
de lettre en lettre, on a fini par identifier les trente
lettres de lalphabet primitif dUgarit.
Les premiers travaux sur lécriture pseudo-hiéroglyphique
de Byblos sont quant à eux, luvre de
Maurice Dunand, rédigés en 1945.
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