EORGES PEIGNOT EST NE LE 24
JUIN 1872 au 68, boulevard Edgar Quinet, un étage
au-dessus de la fonderie de blancs de sa famille. Personne
ne lattendait vraiment et surtout pas sa mère
qui, à 25 ans, chérit ses trois premiers enfants
et na pas voulu cette charge supplémentaire.
La vie entière du nouveau-né sera marquée
par cette aversion quelle transmettra à ses
aînés.
Gustave, son père, 33 ans, ingénieur des
Arts et Métiers, nest pas encore son maître,
car Clémentine, sa propre mère, la entraîné
malgré lui dans cette affaire de fonderie de blancs
quelle dirigeait depuis 1856 pour le compte dune
amie veuve. Cette amie décédée en 1865,
mère et fils associés à une prêteuse,
la veuve Routier, se portent acquéreurs de la fonderie.
Gustave améliore loutillage, sa mère
agrandit la clientèle. En 1875 lassociée
est remboursée et Clémentine se retire. Georges
a trois ans.
Une enfance rebelle
Ses années denfance suivent le modèle
des mal-aimés. Rêveur, rebelle, cancre, il
prend de plus en plus de retard au collège Chaptal
où son aîné, Robert, fait des étincelles.
Ses parents sont obligés de le retirer et de le placer
en apprentissage chez son parrain, Émile Faconnet,
maître taille-doucier. Georges y fait preuve de qualités
insoupçonnées dadresse et dapplication,
et surtout, dit Faconnet, « il a lil ».
Ses parents, souhaitant quil ait un parchemin, lobligent
à sinscrire en 1890 aux Arts Décoratifs.
Il ny fait preuve daucune assiduité.
Du coup son père lemmène à Leipzig
où il passe un an dans la fonderie de caractères
Schwieger, en blouse neuf heures par jour, à apprendre
la gravure de poinçons. Il découvre les caractères
dimprimerie. Il passe lannée suivante
à Hambourg dans la fonderie Gentzsch où, avec
le fils de la maison, il fait le tour des services et des
ateliers. Il continue à se passionner pour les caractères
et passe comme à Leipzig tous ses temps libres à
feuilleter les spécimens internationaux.
Après deux ans et demi de service militaire, dont
il sort avec le grade dadjudant, grade le plus élevé
pour ceux qui nont pas le baccalauréat, il
est engagé en 1896 par son père à la
fonderie familiale avec la responsabilité des caractères.
Gustave a acheté en 1881 et 1892 les fonds de deux
fonderies de caractères (Cochard & David et Longien)
et tient à ce que Georges les fasse valoir.
Une succession difficile
Gustave Peignot a en effet été choisi par
ses pairs (à cause de sa réussite industrielle
plus que pour ses compétences en typographie) comme
premier président de la toute nouvelle Chambre Syndicale
des Maîtres-Fondeurs Typographes. Georges doit rapidement
lui faire perdre son image de fondeur de blancs ! Cest
au sein de cet organisme professionnel que Gustave fait
la connaissance de Charles Tuleu, polytechnicien, héritier
dAlexandre de Berny. Le père rêve au
mariage de sa fille aînée, Jane, avec le propriétaire
des prestigieuses fonderies Deberny. Cest bientôt
chose faite.
Robert, le frère aîné, ingénieur
des Arts et Métiers comme son père, a en charge
la fabrication. Il naime pas limplication de
son cadet sans diplôme dans lentreprise. Cette
réticence deviendra une hostilité à
la mort du père. Julia, la troisième du groupe
aîné, épouse Paul Payet un austère
et brillant polytechnicien, futur directeur des Chemins
de Fer et principal contempteur de Georges.
En 1896, Georges épouse Suzanne Chardon, fille dun
imprimeur taille-doucier, responsable des impressions de
la chalcographie du Louvre. En 1897 naît son fils
Charles et meurt Clémentine. En novembre 1898 son
père, 60 ans, les jambes déjà paralysées,
voit sa fin précoce arriver. Il crée la société
G. (de Gustave) Peignot & Fils en sassociant à
Robert et à Georges. Sa femme impose quil inclue
dans le même acte son gendre Tuleu, mari de Jane.
Le 7 novembre 1898 la nouvelle société tient
une assemblée générale au cours de
laquelle Gustave nomme Georges co-gérant de la Société.
Cest la consternation chez les aînés
mais Robert est épileptique ; il ne le sait pas et
on ne le lui dit pas. Mais on ne peut lui confier lusine,
vu la gravité de ses crises. Gustave meurt le 11
juin 1899. Sa fortune est évaluée à
3 millions de francs-or, dont fonderie = 1 million à
partager en parts de 10 000 F.
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