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Histoire de l'imprimerie
Eglise & imprimerie
     


CHAPITRE PREMIER

Les trois moments de la Réforme

La question des dates: 1516 - 1618

Pourquoi 1516 et pas 1517, comme le voudrait la pratique des historiens? 1517 c’est la date à laquelle Martin Luther placarda ses thèses sur les indulgences sur la porte de bronze de la Schlosskirche de Wittemberg, thèses qui devaient mettre le feu au poudre de la chrétienté. 1516, c’est celle de la publication chez Jean Froben à Bâle de l’édition princeps du Novum Instrumentum, des Anotationes et des Opera omnia de saint Jérôme, par Erasme.

Le parti pris de ce travail est d’essayer de déterminer l’influence de l’imprimerie sur cette formidable révolution des idées qu’a constitué la Réforme en Europe. Or l’influence de l’imprimerie est également associé à un autre mouvement des idées qu’est l’humanisme. On peut essayer de séparer les deux courants de pensée est plaider la relative autonomie de la Réforme vis à vis de l’humanisme; tel est l’opinion de Pierre Chaunu quand il affirme que «l’alliance avec l’humanisme intervient après coup». Mais on peut également prendre le contre-pied de cette affirmation, et revenir sur le formidable travail d’éveil intellectuel qu’ont effectué les humanistes et leurs imprimeurs.

1618, la seconde borne de l’étude est nettement plus subjective et discutable. La réponse tient au changement de nature du pouvoir de l’imprimerie. La guerre de Trente ans, la mise en coupe réglée en France de l’édition par Richelieu, marque la fin d’une époque; celle de l’indépendance des imprimeurs. Et 1618 marque le début des affrontements en Allemagne...

Les trois moments de l’histoire des Réformes

L’exercice est arbitraire, mais il s’impose tant il a pour mérite de clarifier les idées. Il est ainsi possible de distinguer trois périodes dans l’histoire troublée de l’imprimerie à l’époque des Réformes européennes, qui parfois se recoupent car il existe des décalages historiques selon les pays.

La première correspond grosso modo au premier tiers du XVIe siècle. Cette période est caractérisée par la généralisation des éditions de la Bible en langue nationale et par la diffusion des idées protestantes sous l’impulsion de Luther et de ses disciples de Wittenberg. C’est une période essentiellement allemande, pendant laquelle le Saint Empire Romain Germanique se divise en deux blocs antagonistes; c’est une période toutefois où subsiste encore une volonté de dialogue comme le prouve l’action de Melanchton entre luthériens et catholiques romains. En matière d’imprimerie c’est une époque confuse. Souvent dans une même ville, on trouve des imprimeurs qui éditent des textes réformés et d’autres des textes catholiques.

La deuxième période est plus spécifiquement française. Elle commence avant l’arrivée de Calvin à Genève avec la diffusion progressive des textes de Luther dans le reste de l’Europe et la constitution des premières communautés protestantes. Elle prend un tournant décisif quand le maître de Genève commence à inonder l’Europe de ses textes dogmatiques qui vont renouveler la dialectique protestante, la durcissant sur bien des points et anihilant de facto les espoirs des modérés des deux camps. En parallèle, c’est l’époque où pouvoir catholique, royal en France et impérial en Allemagne vont durcir leur position vis à vis des réformés, et où l’Inquisition va efficacement censurer les livres protestants (constitution de l’Index). C’est une époque d’affrontement ouvert entre des villes fanatiques, dans lesquelles les autorités judiciaires censurent et brûlent tout les livres (et leurs éditeurs!) qui «sentent mal de la foi». C’est l’époque où les villes suisses publient à grande échelle les textes réformés et où seule leur répondent Paris et Anvers pour le camp catholique romain.

La troisième période est peut être la moins religieuse des trois. Elle est marquée par les troubles politiques qui secouent l’Europe de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. Elle correspond aux guerres politico-religieuses française et anglaise, dans lesquelles la littérature religieuse ne n’est souvent qu’un prétexte à des luttes d’influence politiques à l’image de la guerre qui opposera en France la Ligue Catholique au Parti royaliste. C’est l’époque où les rues de Paris sont pavées de libelles polémiques, de pamphlets, écrits au vitriol, accusant, diffamant, sans trop de mesure. On est loin des textes d’édification ou d’enseignement, mais ce besoin nouveau d’information préfigure le développement des journaux et de l’opinion publique. Cette dérive politicienne est toutefois balancée par les conséquences du Concile de Trente et l’action militante des ordres religieux qui vont regénérer en profondeur l’Eglise de Rome.

     

 

 

 

 

 

 

Bible d'Olivetan
La Bible en langue française d’Olivetan, 1535
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