Les
caractères portant le nom du plus illustre graveur de caractères
de tous les temps ont été très populaires durant
les XVIe et XVIIe siècles et le sont de nouveau en cette
fin de XXe siècle. Les nombreuses version existantes, certaines
très différentes les unes des autres, ont toutefois
compliqué lidentification du Garamond. Plongeons
nous donc dans lhistoire tourmenté de ce magnifique
caractère.
Présentation historique du caractère Garamond
Cest dans les années 1520 que Robert Estienne, le célèbre
éditeur-imprimeur parisien, approcha Claude Garamond pour
lui commander un caractère romain. Ce dernier fut utilisé
pour la première fois dans le Paraphrasis in Elegantiarum
Libros Laurentii Vallæ dErasme (1530). Selon les
spécialistes, Garamond est allé cherché son
inspiration du côté des créations dAlde
Manuce et de ses maîtres, les Parisiens, Simon de Colines
et Antoine Augereau.
A
sa mort, ses caractères furent dispersés. Limprimeur
anversois dorigine française Christophe Plantin en
acquit lessentiel, une autre partie fut rachetée par
lAllemand Jacob Sabon. Ce sont les poinçons de ce dernier
qui servirent à imprimer le fameux spécimen de la
fonderie Egenolff-Berner de Francfort en 1592, spécimen qui
associa pour la première fois le romain de Garamond, à
litalique de Granjon.
Autre source de confusion: le cas Jean Jannon. Ce dernier était
imprimeur à Sedan vers le début du XVIIe siècle.
Son matériel fut saisi sur ordre de Richelieu car Jannon
était protestant vers 1640 et rappatrié à ce
qui sappelait alors, lImprimerie royale. Lorsque ces
caractères, au dessin très proche de ceux de Garamond,
furent « redécouverts » par lImprimerie
nationale en 1825, ils furent par erreur attribués à
Garamond.
Cette erreur fut révélée par Béatrice
Warde, qui dans un article paru dans le journal The Fleuron
(1925) sous le pseudonyme de M. Baujon, démontra que langle
des empattements de certaines lettres (s, m,
n, p) du caractère de Jannon (du
spécimen paru en 1621) était plus grand que ceux du
caractère de Garamond.
Entretemps, la relecture quen avait lATF à partir
des dessins de Jannon simposait aux Etats-Unis (1917-1930).
Les relectures se multiplièrent: Goudy en 1920 pour Monotype
(version Jannon), la fonderie Stempel en 1924 (version Egenolff-Berner),
Mergenthaler-Linotype en 1925 (version Egenolff-Berner), Monotype
encore avec le Garamond N°3, copie maison de lATF
Garamond qui devint rapidement plus populaire que son original,
et enfin R. Hunter Middleton pour la Ludlow Typograph Company en
1930.
Description & commentaire
Laissons parler à ce sujet le très lyrique
Roger Dédame (Mémoire des métiers du livre):
« Au romain, il conféra une élégance
sans pareille qui jamais ne serait surpassée. Quel délicat
raffinement ! dans la pureté stylisée du contour
des lettres ; dans léquilibre des déliés
et des pleins, complémentaires mais non opposés
; dans le galbe parfait des lettres rondes ; dans la finesse des
empattements triangulaires et dans le rôle esthétique
discret des obits ou, autrements dit, des apices ; dans les tracés
verticaux modérément accentués des hampes
hautes et des queues qui contribuent à renforcer limpression
de légèreté de lensemble ou dans de
rares, mais bienvenus, appendices ornementaux.
Si,
pour la gravure de litalique, Garamond se borna à
incliner les lettres majuscules romaines, il reprit, pour ses
minuscules, les délinéaments de lécriture
cursive dont il reconstitua avec grâce, le trait de plume
naturel. Ce ne sont plus seulement des lettres penchées,
mais des caractères italiques dune facture originale.
»
Utilisation
Le Garamond est le caractère français par
excellence de par son équilibre et sa grande sensibilité
entre lécriture manuelle et sa conversion typographique.
Le Garamond est un caractère classique, qui fait
actuellement un véritable retour en force, remplaçant
de plus souvent le Times dans les publications.
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