Typographie & Civilisation
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Histoire de l'imprimerie
Imprimerie libanaise
     

CHAPITRE TROISIEME

La typographie orientale en France

’EST AU XVIIE SIECLE qu’apparaissaient en France les premières impressions en arabe, avec le retour dans son pays natal de Savary de Brèves en 1614. Les matrices qu’il avait ramenées ne lui servirent que peu du fait de sa disgrâce. Elles furent toutefois récupérées par le Libanais Gabriel Sionite qui aida Antoine Vitré à devenir imprimeur du roi pour les langues orientales (Linguarum Orientalium Regis Typographus) en 1630.

Vitré, imprimeur du roi pour les langues orientales

Lorsqu’en 1632, Vitré acheta pour le compte de Richelieu les caractères de de Brèves, ce n’était que pour éviter qu’ils quittent le royaume et ne puissent être utilisés par des huguenots anglais ou hollandais. Comme le souligne le cardinal, il fallait impérativement récupérer ces caractères, “tant parce qu’ils en pourraient faire beaucoup de mal à la religion, qu’à cause que c’est un des plus beaux ornements du royaume.” Les efforts des pouvoirs religieux et politiques pour empêcher les calvinistes d’avoir une typographie orientale venaient de la conscience de l’avantage qu’elle donnait à qui la possédait sans partage. Richelieu avait fait acheter les caractères savariens par Vitré pour le Pouvoir royal les utilise, et soit le seul à pouvoir le faire. Grâce à ces caractères il allait être possible de renforcer l’influence du catholicisme au Levant. En 1631, Richelieu se fit accorder par Louis XIII le monopole de l’impression des livres d’église en France et fonda pour cela une société typographique associant dix-huit imprimeurs et libraires, la Societas typographica librorum officii ecclesiastici qui combatit, un temps, le monopole papal.

Le grand projet de Vitré fut l’impression pour le compte de Le Jay, entre 1628 et 1645, d’une Bible Polyglotte. Afin de compléter les caractères de la Typographia Savariana, Guillaume Le Bé, qui avait été le premier à avoir gravé en France des caractères arabes à ses frais, créa de nombreux caractères syriaques. Cette bible, publication du catholicisme militant, est considérée comme un chef-d’oeuvre typographique, marquant l’aboutisssement d’une tradition qui remonte au psautier polyglotte de Giustiniani. Elle reprend d’ailleurs plusieurs impressions antérieures (Bible Polyglotte d’Anvers, Psautier Arabe de 1614, Évangiles de la Typographica Medicea) en leur apportant de légères corrections

Le destin tourmenté des caractères savariens

Par la suite, les caractères savariens furent protégés et en 1656, l’Assemblée du clergé décida que “les poinçons fussent mis dans la chambre des comptes, pour y être conservés avec les poinçons grecs de Garamont, qui y furent déposés dès le temps de François Ier, et quant aux matrices, qu’elles soient mises dans la Bibliothèque du roi, où les imprimeurs les prendront, sur leurs récipissés, à mesure qu’ils en auront affaire, pour empêcher qu’elles soient perdues ou portées à Genêve ou en Angleterre (...).”

Il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle et le renouveau des études orientales pour que l’on retrouve ces caractères au demeurant toujours estimés comme le souligne la réflexion de d’Anisson, directeur de l’Imprimerie royale en 1786: “Il n’existe seurement nulle part une typographie comparable à celle de l’Imprimerie royale”. L’essor des missions et d’autre part la volonté de la Révolution puis de l’Empire de diffuser leurs idéaux, aboutiront à renouer avec cette tradition d’impressions orientales en France. La création d’une Société asiatique symbolisera qui permettra le maintien de la typographie retrouvée du XVIIe siècle, mais également son enrichissement au XIXe siècle.

     

Psautier de G.Sionite
Psautier, Paris, 1625
de Gabriel Sionite

 

 


Caractères arabes de Le Bé, 1599