Histoire de l’imprimerie au Liban

D’Alep à Choueir

C’EST AU PATRIARCHE MELKITE ATHANASE DABBAS, que l’on doit le retour de l’imprimerie arabe au Levant. Ce dernier qui entretenait de bonnes relations avec le voïvode de Valachie, ramena en 1704 une imprimerie qu’il installa dans sa ville patriarcale, Alep. On ne sait si les trois sortes de caractères que possédaient l’imprimerie furent gravés en Roumanie ou à Alep par Zaher, comme le prétend un de ses disciples, toujours est-il que le premier ouvrage sortit des presses d’Alep en 1706. En 1711, l’imprimerie cessa toute activité après avoir édité des Psautiers, des Evangéliaires et différents recueils de prières et d’homélie.

Le destin d’Abdallah Zaher

Un des artisans de l’imprimerie d’Alep, Abdallah Zaher, un syrien de Hama partisan du catholicisme, dû fuir Alep lorsque Dabbas se prononça violemment contre cette doctrine. Réfugié dans le couvent de saint Jean de Choueir au Liban, il s’établit à Zouk où il fonda une imprimerie pour répandre des livres religieux. En 1731, il l’installa définitivement à Choueir . Cet orfèvre, graveur, peintre et littérateur était fait pour le noble métier d’imprimeur.

A l’aide d’outils qu’il fit venir d’Alep, il fabriqua à Choueir, les plaques et les matrices. Il prit modèle pour ses caractères, ceux utilisés par l’imprimerie de la Propagande. En 1734, il donna son premier ouvrage : le Mizan az-Zaman. Secondé par son disciple Suleiman Qattan et par quelques moines du couvent, il édita une dizaine d’ouvrages. En 1748, Zaher mourut et Qattan qui prit sa succession. Appartenant à la Congrégation choueirite, l’imprimerie poursuivit ses activités jusqu’en 1899, ne pouvant supporter la concurrence des imprimeries modernes. En un siècle et demi, elle aura publié de nombreux Psautiers, des livres de spiritualité dont une édition de l’Imitation de Jésus-Christ (Kitab al Iqtida’ bil Masih, 1739) ainsi que des ouvrages liturgiques.

Témoignage des Annales Chouérites sur Abdallah Zaher

« Le 30 août 1748 fut rappelé à la miséricorde de son Dieu, le sammas Abdallah Zaher l’Alépin, astre de l’Orient, modèle des savants, unique à son époque, sans pareil dans son pays...

Il composa environ dix ouvrages ayant tous pour but le triomphe de la foi catholique contre les hérétiques et les schismatiques ; il corrigea des livres innombrables traduits en arabe ; il éclaircit leurs passages obscurs, mit de l’ordre dans leur composition et redressa l’arabe défectueux qui les rendait incompréhensibles, de sorte qu’il en est plutôt l’auteur que le traducteur ou le correcteur...

En effet, grâce à sa pénétration d’esprit, il excelle dans toutes les branches de la science, notoirement dans la langue arabe qui n’avait pour lui aucun secret. Il était surtout maître en logique, en théologie, en philosophie et en sciences naturelles. Mais ce qui le mit au premier rang des savants, ce fut sans contredit, l’habileté avec laquelle il maniait l’art de la controverse. »

Les premières imprimeries libanaises

La seule autre imprimerie arabe en activité au XVIIIe siècle fut celle de Yusef Nqula ag-Gebeili, connu sous le nom d’Abu Askar, qui fonda à Beyrouth l’imprimerie saint Georges. Prenant pour modèle les caractères de Choueir, il donna son premier ouvrage en 1751, un Psautier, qu’il réédita en 1753. L’imprimerie saint Georges s’arrêtera après cet essai ; elle ne reprit ses activités que dans la seconde moitié du XIXe siècle.