Histoire de l’imprimerie au Liban

Le Psautier de Qozhaya

LE PREMIER OUVRAGE IMPRIME AU LIBAN, le fut au couvent Saint Antoine de Qozhaya, l’un des monastères les plus célèbres du Levant. Caché dans la Qadisha, la « Vallée sainte » des maronites, son histoire remonte au-delà du XIIe siècle. Il s’agit d’un Psautier composé en caractères syriaques et carsuni (caractères syriaques permettant de transcrire l’arabe). Il est marqué des armes de l’évêque ar Rizzi et on peut lire au bas de la page de couverture : « Dans l’ermitage honoré de Wadi Qozhaya, au Mont Liban béni, œuvre du maître Pasquale Eli et de l’humble Yuseph ibn ‘Amima de Karm Saddé, sammas par le nom, en date de 1610. »

L’imprimerie de Qozhaya

Le principal artisan de ce travail fut l’évêque Sarkis ar Rizzi, un ancien élève du Collège maronite, qui fut un temps ermite à Qozhaya avant de devenir évêque de Damas en 1596. Il rapporta d’une ambassade à Rome, une imprimerie qu’il installa à Qozhaya en 1610 et se mit aussitôt au travail. Revenu à Rome vers 1616, il travailla là-bas à l’édition d’autres ouvrages liturgiques et supervisa la révision de la Biblia Sacra Arabica.

A Qozhaya, il fut aidé par Elias de la famille des Sarasirat à Ehden, qui deviendra en 1636 évêque d’Ehden et d’Alep et rédigea une Histoire de la nation maronite et par Yuseph ibn ‘Amima, neveu de Sarkis et vraisemblablement le correcteur de l’entreprise. En 1610, personne au Liban, en dehors des anciens élèves du Collège maronite de Rome, n’avait vu une imprimerie. Personne non plus, ne pouvait en assurer le fonctionnement. Force fut donc d’appeler un typographe d’Europe, le sieur Pasquale Eli, originaire du sud de l’Italie.

L’édition du Psautier de Quzahaya fut un essai sans lendemain. Il faudra attendre le début du XIXe siècle, pour qu’un second essai ressuscitât la typographie dans la Qadisha. La chute de l’émir Fahr ed Din, partisan de relations étroites avec l’Occident, allait retarder d’autant le réétablissement d’une imprimerie au Liban.

Des éditions européennes destinées au Liban

Pourtant le pays continuait de se couvrir d’écoles où les élèves les plus brillants pouvaient apprendre l’arabe, le syriaque, le latin et même parfois le persan et le grec. Le nombre des lettrés augmentant, le besoin de livres se faisait de plus en plus sentir. On se remit donc à imprimer des livres arabes (livres liturgiques, ouvrages de lecture, manuels de piété ou d’ascétique) en Europe essentiellement à Rome et à Paris. Dans cette dernière ville, Savary de Brèves se révéla très actif ; son fonds de commerce fut par la suite repris par l’imprimeur du roi de France Antoine Vitré sur ordre de Richelieu. Ce dernier fit à l'aide de ces caractères éditer en 1640 son Catéchisme en arabe. Toujours à Paris, le Libanais Gibraïl as Sahyuni se chargea de graver les poinçons des caractères arabes et syriaques nécessaires à l’édition de la Bible polyglotte de Le Jay.

A Rome, deux anciens élèves du Collège Maronite, Ibrahim al Ghaziri et Mihaïl al Mtusi, établirent une imprimerie, appelée Typographie de Michel Metoscita, dont ils fondirent eux-mêmes les caractères. Vers 1700, l’imprimerie fut transférée à Malte en vue de son installation au Liban. Suite à une brouille avec l’évêque d’Ehden, elle resta à Malte, pour ce que l'on en sait, définitivement.

Le lent développement de l’imprimerie en Orient

Au milieu du XVIIe siècle, l’évêque melkite d’Alep, Malatios Karmé, demanda à ce que l’imprimerie de la Propagande édite une édition gréco-arabe de la Bible ainsi que divers livres liturgiques parce que, « les chrétiens de nos pays sont pauvres et ne peuvent pas affronter les prix des manuscrits ». Les autorités pontificales trainant les pieds, ses successeurs, s’adressèrent au voïvode de Valachie qui finança l’installation d’une imprimerie arabe et syriaque près de Bucarest vers 1730 qui tomba en décadence, fut relevée, transférée à Jassy puis disparut.

Pendant ce temps, l’Imprimerie de la Propagande se contentait d’éditer quelques encycliques et des statuts d’ordres religieux. Pour finir cette partie, il est possible de mentionner le fait que les juifs du Liban pouvaient s’approvisionner en livres à Constantinople et à Salonique, qui imprimaient des ouvrages en hébreu et même en arabe, et que les musulmans ne purent obtenir des livres imprimés que beaucoup plus tard des presses de Constantinople (seconde moitié du XVIIIe) et d’Egypte (première moitié du XIXe).