Histoire de l’imprimerie au Liban

Les origines romaines de l’imprimerie libanaise

ENTRE L’IMPRESSION DE LA BIBLE à Mayence par Gutenberg en 1455 et celle du premier livre typographié arabe, le Kitab Salat as Sawa’i par l’imprimeur vénitien Gregorius de Gregoriis à Fano, s’est écoulé près d’un demi-siècle. Tandis qu’au XVIe siècle, l’imprimerie faisait de rapides progrès en Europe, l’Orient en restait encore au stade des moines-copistes qui partageaient leur temps entre la prière, le travail manuel et la transcription de livres.

Sous le règne de l’émir Fahr ed Din, le Liban s’était ouvert à la Renaissance par le biais de contact avec les villes italiennes, marquant le début d’un renouveau culturel. La culture étant d’abord entre les mains des gens d’Eglise, ces échanges furent donc d’abord le fait des clercs, à un moment où les églises orientales se rapprochaient de celle de Rome. Ainsi, au début du XVIe siècle, le patriarche maronite scellait définitivement le rattachement de sa nation avec le Saint Siège au moment où était fondée l’Eglise chaldéenne catholique.

L’influence déterminante du Collège Maronite de Rome

En 1578, le pape Grégoire XIII, envoya deux Jésuites inviter des jeunes clercs de la communauté maronite à fréquenter les collèges romains. De retour à Rome, le P.Eliano s.j., présenta un rapport dans lequel il émettait des vœux en vue de l’instruction des prêtres maronites et la fondation à Rome d’une imprimerie qui puisse éditer les livres syriaques et arabes dont cette Eglise avait besoin. Par sa bulle Humana si ferunt, Grégoire XIII consacrait la fondation du Collège maronite (5 juillet 1584), encouragea le cardinal Ferdinand de Médicis à établir à Rome son imprimerie et fonda celle de Dominique Basa qui fut l’ancêtre de la typographie vaticane.

Appelé à Rome pour surveiller l’édition des livres liturgiques, le P.Ayyub al Hasruni écrivit en 1585 au P.Eliano: « le pape nous a doté d’une imprimerie, munie de grands caractères syriaques. Dieu le récompense dans le Royaume des Cieux ». Le premier livre imprimé par l’imprimerie de Basa, fut un Calendrier liturgique paru en 1583. Après 1585, elle édita un Office des funérailles, un Recueil de prières et surtout un Bréviaire et un Missel.

A la même période, le P.Eliano avait également fondé une imprimerie. En 1580, aidé d’un graveur et d’un typographe professionnel, il avait préparé les caractères arabes et syriaques nécessaires à l’édition de la version arabe du Catéchisme auquel il avait ajouté un appendice réfutant les erreurs les plus en vogue en Orient. Il n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’en 1566, il avait fait paraître au Collège romain la version arabe de la Croyance orthodoxe de l’Eglise de Rome et un livre apologétique de la foi chrétienne.

Le développement des imprimeries arabisantes de Rome

D’autres imprimeries étaient actives à Rome telles l’imprimerie Médicis qui publia en 1591 une belle édition arabe de l’Evangile, en 1594 un Missel syriaque et en 1595 une Profession de foi, et la Typographia linguarum externarum de Jacques Luna qui en 1596 donna un Liber ministri missæ juxta ritum ecclesiæ nationis Maronitarum et par la suite divers autres ouvragres (grammaires, histoire).

A Rome subsistait toutefois le soupçon d’hérésie à l’encontre de la communauté maronite. La mission des anciens élèves du Collège maronite devenait donc déterminante. Ces derniers se consacraient en Europe à des travaux d’érudition et à la révision et l’édition de livres liturgiques pouvant former l’esprit de leur coreligionnaires, tel le Missel (1594 & 1596) de Carmini, Adniti et Sahyuni. Gabriel Sionite, un autre élève du Collège, traduisit le Catéchisme du Cardinal Bellarmin, qui fut édité par le français Savary de Brèves en 1613. D’autres élèves rentraient au Liban, infusant à leur Eglise une nouvelle vitalité et établissant à l’ombre des clochers des villages ou des murs des monastères les premières écoles du Liban.

A partir du XVIIe siècle, la liste des ouvrages arabes imprimés à Rome et en Europe s’allongea. Parmi eux, de nombreuses grammaires et ouvrages liturgiques. Il est pertinent de souligner dans cette production, les éditions de l’Imprimerie de la Propagande, elle-même héritière de la typographie de Grégoire XIII. Elle imprimait non seulement des ouvrages de doctrine, tel Le Commentaire et la doctrine chrétienne de Bellarmin (1627) mais aussi les textes sacrés à commencer par cette magnifique Biblia Sacra Arabica de 1671.