A CRÉATION de cette
nouvelle typographie exigeait une qualification toute particulière,
car la fabrication des caractères était une
opération longue et difficile, qui se déroulait
en trois phases: le dessin en relief et inversé de
la lettre était gravé à lextrémité
dun poinçon dacier; celui-ci était
ensuite frappé dans une matrice de cuivre qui était
elle-même, insérée à lintérieur
dun moule recevant lalliage en fusion; du moule
sortait alors un caractère métallique inversé
comme le poinçon dont il était la réplique.
La réussite du caractère dépendait
donc de la beauté et de la qualité du poinçon
et de la précision et de la régularité
de la matrice. Ce travail devint rapidement lapanage
dun petit nombre de graveurs qui furent de véritables
artistes . Avant de procéder à la taille des
poinçons, il fallait fixer avec précision
et dessiner lalphabet à reproduire. Cette opération
réalisée, le graveur devait tailler pour chaque
signe typographique un poinçon différent,
prenant une petite tige dacier, dont il limait et
égalisait une des extrémités, reportait
le dessin de la lettre et dessinait les contours à
laide dune pointe, dégageant ainsi lil
de la lettre inversée et en relief. Le poinçon
était ensuite frappé dans un petit bloc de
cuivre qui gardait lempreinte de la lettre en creux
et à lendroit. La matrice ainsi obtenue était
justifiée: pour que lespacement et lalignement
des lettres fut bien régulier, le graveur limait
les aspérités, précisait les angles
et contrôlait la profondeur de lil. La
matrice était ainsi prête pour la fonte.
La taille du poinçon et la frappe de la matrice
était une performance technique, qui requerrait une
grande compétence et demandait beaucoup de temps;
aussi poinçons et matrices avaient-ils une grande
valeur. En 1541, Claude Garamond demanda à Mathurin
Dupuys, marchand libraire, un délai dun mois
et 16 écus or soleil, pour «faire une frappe
de matrices selon et de la sorte dont est imprimé
un livre intitulé Actuarisu, De Compositione medicamentorum».
En 1543, il vendit «une paire de matrices, petit romain,
justifiées, garnie de son moule» 12 écus
or soleil.
Une fois le poinçon taillé et
la matrice frappé, commençait la fonte du
caractère. Le travail consistait à couler
un mélange de plomb, détain et dantimoine
dosé avec précaution, afin quil ne rétrécisse
pas en refroidissant et quil soit bien solide, dans
le moule protégé par une enveloppe de bois.
Le caractère fondu était ensuite, après
refroidissement, frotté afin den éliminer
les aspérités et den aplanir et égaliser
les angles.
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